Seydou

Résidence de création en milieu carcéral – Maison d’arrêt d’Angoulême. Écritures : photographique, sonore et chorégraphique. Financement : SPIP / DRAC / Maison d’arrêt.

Extrait / correspondance Denis

« Ce 4h30 du matin…Longtemps j’ai cru qu’un son de ronde de nuit ou autre me réveillait à cette heure, régulièrement, 4h15, 20 sur mon radio réveil. Après enquête avec les surveillants, pas de tour de garde. Alors j’ai écouté, dans le halo jaune des projecteurs de la cour, douce pénombre glauque sur des murs tout aussi glauque.

Rien, pas de bruit. La ville, très proche, est absente du paysage audio.
Les gars de la coloc sont enfin fatigués et ont fini de crier, frapper et expulser leur peur de la nuit, emportés par la fatigue.
Les oiseaux sont muets, même les colocataires rêvent à leur monde meilleur.
Bizarre cette impression de vide sidéral. Je suis entre deux sommeil, et après avoir vérifier le cadran lumineux de ce morceau de plastique noir aux yeux rouges, je me retourne vers le côté le plus sombre de ma couche et replonge dans les bras de la nuit. »

Katia

« Ce moment me trouble car rare est le vrai calme serein ici, bien au contraire. Mon ouïe est agressée en permanence, toute la journée, et ce même par des sonorités d’habitude agréable : sifflements des martinets chasseurs d’insectes ou clocher dans le lointain. J’ai surement une paupière dans ce pavillon de ce cornet de chair qu’est l’oreille. Va savoir. Toi le fabriquant et collectionneur de cadre sonore, qui a approché ce tumulte permanent, crois tu que la grève des neurones du son est possible ?
Tilleul, abeilles, Whisky, tisane, étang, limon, galets, cendre, tout cela n’existe que par et pour l’eau. Tantôt danger, tantôt amie. C’est le seul élément qui ne disparaît pas, est inépuisable et surtout indomptable. « 

Ines

Frederic

« Derrière la paroi d’une vitre sous un lac, nous au sec, mais « à la merci de ». À l’abri mais au bord.
Dans l’équilibre des pressions et la faiblesse de ce verre fabriqué dans la force de l’érosion, encore l’eau. Rien n’existe sans et le contraire aussi.
Besoin d’activité, de mouvements, de transformation. Pourquoi sous l’eau ? Redevenir humble, ressentir. Marrant : humilité, humanité, humidité.
Admirer la couleur des galets, collectionnés sur les plages, reprendre leurs chatoiement grâce au liquide révélateur. La joie d’Amandine dans sa bouée sur le bord de l’Ardèche. Les crises de rire de mes trois petits dans leur baignoire inondant la salle d’eau. « 

Il ferme les yeux. Il prend un stylo. Il dessine à main levée ses trajets dans la prison.
(Collaboration chorégraphique : Céline laurens)

« Pour cette fois notre destination a été un questionnaire avec surtout mes réponses. Et les tiennes ?
À toi l’exercice. Je t’en rajoute une. L’amour de « l’eau-tre » ? pas le tien, l’autre.
Je ne sais pas ce que tu vas tirer de ce ramassis de mots ? Putain que c’est bon quand même. C’est bon le manuscrit sans correcteur et sans règles, simplement pour et par plaisir.
Sur ces mots, je te laisse pour de bon et je raccroche cette longue lettre. « c’est tout pour le moment ». Merci pour ta ré-écriture et courage. »

Denis

Pour aller plus loin –

Atelier de Création Radiophonique
° Opus I – Ruine (diffusé sur France Culture le 16-03-16)
° Opus II – Disparition (diffusé sur France Culture le 05-10-16)

Correspondances